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EN FAMILLE.

Ce mot « je suppose » était celui qui avait commencé la fortune de Talouel dans la maison et établi son pouvoir. Son habileté en effet avait été de persuader à M. Vulfran qu’il n’était qu’une main, aussi docile que dévouée qui n’exécutait jamais que ce que le patron ordonnait ou pensait.

« Si j’ai une qualité, disait-il, c’est de deviner ce que veut le patron, et en me pénétrant de ses intérêts, de lire en lui. »

Aussi commençait-il presque toutes ses phrases par son mot :

« Je suppose que vous voulez… »

Et comme sa subtilité de paysan toujours aux aguets s’appuyait sur un espionnage qui ne reculait devant aucun moyen pour se renseigner, il était rare que M. Vulfran eût à faire une autre réponse que celle qui se trouvait presque toujours sur ses lèvres :

« Parfaitement. »

« Je suppose, aussi, dit-il en aidant M. Vulfran à descendre, que celle que vous avez prise pour remplacer cet ivrogne, s’est montrée digne de votre confiance ?

— Parfaitement.

— Cela ne m’étonne pas ; du jour où elle est entrée ici amenée par la petite Rosalie, j’ai pensé qu’on en ferait quelque chose et que vous la découvririez. »

En parlant ainsi il regardait Perrine, et d’un coup d’œil qui lui disait en insistant :

« Tu vois ce que je fais pour toi ; ne l’oublie pas et tiens-toi prête à me le rendre. »

Une demande de payement de ce marché ne se fit pas attendre ; un peu avant la sortie il s’arrêta devant le bureau