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EN FAMILLE.

pourrais avoir confiance. Justement cette petite fille me paraît réunir ces qualités : intelligente elle l’est, j’en suis sûr ; discrète et fidèle elle l’est aussi, j’en ai la preuve. »

Cela fut dit sans appuyer, mais cependant de façon que Talouel ne pût se méprendre sur le sens de ses paroles.

« Je la prends donc ; et comme je ne veux pas qu’elle reste exposée à certains dangers, — non pour elle, car j’ai la certitude qu’elle n’y succomberait pas, mais pour les autres, ce qui m’obligerait à me séparer de ces autres… »

Il appuya sur ce mot :

« … Quels qu’ils fussent, elle ne me quittera plus ; ici elle travaillera dans mon cabinet ; pendant le jour elle m’accompagnera, elle mangera à ma table, ce qui rendra moins tristes mes repas qu’elle égayera de son babil, et elle habitera le château. »

Talouel avait eu le temps de retrouver son calme, et comme il n’était ni dans son caractère, ni dans sa ligne de conduite de faire formellement la plus légère opposition aux idées du patron, il dit :

« Je suppose qu’elle vous donnera toutes les satisfactions, que très justement, il me semble, vous pouvez attendre d’elle.

— Je le suppose aussi. »

Pendant ce temps, Perrine, accoudée au balcon de sa fenêtre, rêvait en regardant la vue qui se déroulait devant elle : les pelouses fleuries du jardin, les usines, le village avec ses maisons et l’église, les prairies, les entailles dont l’eau argentée miroitait sous les rayons obliques du soleil qui s’a-