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EN FAMILLE.

Mais ce ne fut pas une lettre qui arriva, ce fut le banquier lui-même.

Un matin que Talouel comme à son ordinaire se promenait sur son banc de quart les mains dans ses poches, surveillant de son regard, qui ne laissait rien échapper, les cours de l’usine, il vit le banquier qu’il connaissait bien descendre de voiture à la grille des Shèdes, et se diriger vers les bureaux d’un pas grave, avec une attitude compassée.

Précipitamment il dégringola l’escalier de sa vérandah et courut au-devant de lui : en approchant, il constata que la mine était d’accord avec la démarche et l’attitude.

Incapable de se contenir il s’écria :

« Je suppose que les nouvelles sont mauvaises, cher monsieur ?

— Mauvaises. »

La réponse se renferma dans ce seul mot.

Talouel insista :

« Mais…

— Mauvaises. »

Puis changeant tout de suite de sujet :

« M. Vulfran est dans ses bureaux ?

— Sans doute.

— Je dois l’entretenir tout d’abord.

— Cependant…

— Vous comprenez. »

Si le banquier qui, dans son attitude embarrassée, fixait ses regards à terre, avait eu des yeux pour voir, il aurait deviné qu’au cas où Talouel deviendrait un jour le maître des usines de Maraucourt, il lui ferait payer cher cette discrétion.