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EN FAMILLE.

la tête aux pieds, comme si la vision de son fils se dressait devant lui.

« Vous êtes un homme de grande force…

— Il n’y a pas de force contre la mort. Mon fils…

— Eh bien oui, il faut que vous connaissiez l’affreuse vérité : le sept novembre… M. Edmond… est mort à Bousovatcha d’une congestion pulmonaire.

— C’est impossible !

— Hélas ! monsieur, moi aussi j’ai dit : c’est impossible en recevant ces pièces, bien que leur traduction soit visée par le consul de France ; mais cet acte de décès d’Edmond-Vulfran Paindavoine, né à Maraucourt (Somme), âgé de trente-quatre ans, n’emprunte-t-il pas un caractère d’authenticité à ces renseignements mêmes si précis ? Cependant voulant douter malgré tout, j’ai, en recevant ces pièces hier, télégraphié à notre consul à Serajevo ; voici sa réponse : « Pièces authentiques, mort certaine. »

Mais M. Vulfran paraissait ne pas écouter : affaissé dans son fauteuil, écroulé sur lui-même, la tête penchée en avant reposant sur sa poitrine, il ne donnait aucun signe de vie, et Perrine affolée, éperdue, suffoquée, se demandait s’il était mort.

Tout à coup, il redressa son visage ruisselant de larmes qui jaillissaient de ses yeux sans regard, et tendant la main il pressa le bouton des sonneries électriques qui correspondaient dans les bureaux de Talouel, de Théodore et de Casimir.

Cet appel était si violent qu’ils accoururent aussitôt tous les trois.

« Vous êtes là, dit-il, Talouel, Théodore, Casimir ? »