croire qu’il était un être privilégié, en quelque sorte un élu, dont la Providence se servait pour conduire le monde. Parti de si bas, comment serait-il parvenu si haut, s’il n’avait été servi que par sa seule intelligence ? Une main toute-puissante l’avait donc tiré de la foule pour de grandes choses, et plus tard guidé si sûrement, que ses idées avaient toujours obéi à une inspiration supérieure, de même que ses actes à une direction infaillible ; ce qu’il désirait, avait toujours réussi ; dans ses batailles, il avait toujours triomphé, et toujours ses adversaires avaient succombé. Mais voilà que tout à coup ce qu’il voulait le plus ardemment, ce qu’il se croyait sûr d’obtenir, pour la première fois ne se réalisait pas : il attendait son fils, il savait qu’il allait le voir arriver, toute sa vie était désormais arrangée pour cette réunion ; et son fils était mort.
Alors quoi ?
Il ne comprenait pas, — ni le présent, ni le passé.
Qu’avait-il été ?
Qu’était-il ?
Et si vraiment il avait été ce que pendant quarante ans il avait cru être, pourquoi ne l’était-il plus ?