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EN FAMILLE.

servait aux jeux des ouvriers de toutes les usines ; car si pour chacun des autres villages : Hercheux, Saint-Pipoy, Bacourt, Flexelles, M. Vulfran avait décidé de faire les mêmes constructions qu’à Maraucourt, il avait voulu qu’il n’y eût pour tous qu’un seul lieu de réunion et de récréation où pourraient s’établir des relations générales, qui deviendraient un lien entre eux. Et la simple bibliothèque qu’il avait eu tout d’abord l’intention d’établir, s’était transformée, sans qu’il sût trop sous quelle influence, en ce vaste jardin où autour des salles de lecture et de conférence qui occupent le grand chalet central, se sont groupés ces jeux divers, dont le développement a exigé une partie même de son parc, de sorte que maintenant le cercle ouvrier protège le château et le fait pardonner.

Si rapidement que ces changements eussent été conçus et réalisés, ils n’ont pas été sans produire un vif émoi dans la contrée et même une sorte d’agitation.

Les plus hostiles ont été les logeurs, les cabaretiers, les boutiquiers qui ont crié à la ruine et à l’oppression : n’était-ce pas une injustice, un crime social qu’on vînt leur faire concurrence et les empêcher de continuer leur commerce dans les mêmes conditions qu’ils l’avaient toujours pratiqué, au mieux de leurs intérêts, comme il convient à des hommes libres ? Et de même que lors de la création des usines, les fermiers s’étaient insurgés contre ces fabriques qui leur prenaient les ouvriers de la terre, ou les obligeaient à hausser les salaires, les petits commerçants avaient joint leurs plaintes à celles des cultivateurs ; et c’était tout juste si quand M. Vulfran passait par les rues des villages en compagnie de Perrine, on ne les poursuivait pas de huées comme des malfaiteurs : il