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EN FAMILLE.

chambre, et quand celui-ci parut, il lui dit que si quelqu’un venait, il ne recevrait personne.

Cet ordre surprit d’autant plus Perrine que le dimanche habituellement il recevait tous ceux qui voulaient l’entretenir, petits ou grands car très avare en semaine de paroles qui font perdre un temps appréciable en argent, il était au contraire volontiers bavard le dimanche, quand son temps et celui des autres n’avaient plus la même valeur.

Enfin un roulement de voiture se fit entendre dans le chemin des entailles, c’est-à-dire celui qui vient de Picquigny :

« Voilà Fabry, » dit-il d’une voix qui parut altérée, anxieuse et heureuse à la fois.

En effet, c’était bien Fabry, qui entra vivement dans le cabinet : lui aussi paraissait être dans un état extraordinaire, et le regard qu’il jeta tout d’abord à Perrine, la troubla sans qu’elle sût pourquoi :

« Un accident de machine est cause de mon retard, dit-il.

— Vous arrivez, c’est l’essentiel.

— Ma dépêche vous a prévenu.

— Votre dépêche trop courte et trop vague, m’a donné des espérances ; ce sont des certitudes qu’il me faut.

— Elles sont aussi complètes que vous pouvez les désirer.

— Alors parlez, parlez vite.

— Le dois-je devant mademoiselle ?

— Oui, si elles sont ce que vous dites. »

C’était la première fois que Fabry, rendant compte d’une mission, demandait s’il pouvait parler devant Perrine ; et dans l’état de trouble où elle se trouvait déjà, cette précaution ne pouvait que rendre plus violent encore l’émoi que les