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Page:Malot - En famille, 1893.djvu/510

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EN FAMILLE.

« Voilà la chose : j’avais un discours à vous dire, mais je peux pas en retrouver un mot, ce que ça m’ennuie pour vous ; enfin c’est pour vous féliciter, vous remercier au nom de tous, et de bon cœur. »

Il leva la main solennellement :

« Je le jure, foi de Gathoye. »

Pour être incohérent ce discours n’en remua pas moins M. Vulfran qui était dans un état d’âme où l’on ne s’arrête pas aux paroles ; la main toujours appuyée sur l’épaule de Perrine il s’avança jusqu’à la balustrade du perron et se trouva là comme dans une tribune où la foule le voyait :

« Mes amis, dit-il d’une voix forte, vos compliments d’amitié me causent une joie d’autant plus grande que vous me les apportez dans la journée la plus heureuse de ma vie, celle où je viens de retrouver ma petite-fille, la fille du fils que j’ai perdu ; vous la connaissez, vous l’avez vue à l’œuvre, soyez sûrs qu’elle continuera et développera ce que nous avons fait ensemble, et dites-vous que votre avenir, celui de vos enfants est entre de bonnes mains. »

Disant cela, il se pencha vers Perrine, et sans qu’elle pût s’en défendre la prenant dans ses bras encore vigoureux, il la souleva, et, la présentant à la foule, il l’embrassa.

Alors il s’éleva une acclamation poussée et répétée pendant plusieurs minutes par des milliers de bouches d’hommes, de femmes, d’enfants ; puis comme l’ordre de la fête avait été bien réglé, aussitôt le défilé commença et chacun en passant devant le vieux patron et sa petite-fille salua ou fit la révérence.

« Si tu voyais les bonnes figures, » dit Perrine.