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EN FAMILLE.

« Quand je… ne serai plus, tu auras des formalités à accomplir ; pour cela tu prendras dans ma poche un papier enveloppé dans une double soie et tu le donneras à ceux qui te le demanderont : c’est mon acte de mariage, et l’on y trouvera mes noms et ceux de ton père. Tu exigeras qu’on te le rende, car il doit t’être utile plus tard pour établir ta naissance. Tu le garderas donc avec grand soin. Cependant comme tu peux le perdre, tu l’apprendras par cœur de façon à ne l’oublier jamais : le jour où tu aurais besoin de le montrer, tu en demanderais un autre. Tu m’entends bien ; tu retiens tout ce que je te dis ?

— Oui, maman, oui.

— Tu seras bien malheureuse, bien anéantie, mais il ne faut pas t’abandonner… quand tu n’auras plus rien à faire à Paris et que tu seras seule, toute seule. Alors tu dois partir immédiatement pour Maraucourt : par le chemin de fer, si tu as assez d’argent pour payer ta place ; à pied, si tu n’en as pas ; mieux vaut encore coucher dans le fossé de la route et ne pas manger que rester à Paris. Tu me le promets ?

— Je te le promets…

— Si grande est l’horreur de notre situation que ce m’est presque un soulagement de penser qu’il en sera ainsi. »

Cependant ce soulagement ne fut pas assez fort pour la défendre contre une nouvelle faiblesse, et pendant un temps assez long elle resta sans respiration, sans voix, sans mouvement.

— Maman, dit Perrine penchée sur elle, toute tremblante d’anxiété, éperdue de désespoir, maman ! »

Cet appel la ranima :