Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
SANS FAMILLE

Ceux qui avaient assisté la veille à la scène de l’agent de police, étaient revenus, et ils avaient amené avec eux des amis. On aime peu les gens de police, à Toulouse, comme à peu près partout ailleurs, et l’on était curieux de voir comment le vieil Italien se tirerait d’affaire et roulerait son ennemi. Bien que Vitalis n’eût pas prononcé d’autres mots que : « À demain, signor, » il avait été compris par tout le monde que ce rendez-vous donné et accepté était l’annonce d’une grande représentation dans laquelle on trouverait des occasions de rire et de s’amuser au dépens de la police.

De là l’empressement du public.

Aussi en me voyant seul avec Joli-Cœur, plus d’un spectateur inquiet m’interrompait-il pour me demander si « l’Italien » ne viendrait pas.

— Il va arriver bientôt.

Et je continuai ma canzonetta.

Ce ne fut pas mon maître qui arriva, ce fut l’agent de police. Joli-Cœur l’aperçut le premier, et aussitôt, se campant la main sur la hanche et rejetant sa tête en arrière, il se mit à se promener autour de moi en long et en large, raide, cambré, avec une prestance ridicule.

Le public partit d’un éclat de rire et applaudit à plusieurs reprises.

L’agent fut déconcerté et il me lança des yeux furieux.

Bien entendu, cela redoubla l’hilarité du public.

J’avais moi-même envie de rire, mais d’un autre côté je n’étais guère rassuré. Comment tout cela allait-