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SANS FAMILLE

— Et les autres ? cria Arthur.

Zerbino et Dolce suivirent leur camarade.

— Et le singe !

Joli-Cœur aurait facilement fait le saut, mais je n’étais jamais sûr de lui ; une fois à bord, il pouvait se livrer à des plaisanteries qui n’auraient peut-être pas été du goût de la dame.

— Est-il méchant ? demanda-t-elle.

— Non, madame ; mais il n’est pas toujours obéissant et j’ai peur qu’il ne se conduise pas convenablement.

— Eh bien ! embarquez avec lui.

Disant cela, elle fit signe à un homme qui se tenait à l’arrière auprès du gouvernail, et aussitôt cet homme passant à l’avant jeta une planche sur la berge.

C’était un pont. Il me permit d’embarquer sans risquer le saut périlleux, et j’entrai dans le bateau gravement, ma harpe sur l’épaule et Joli-Cœur dans ma main.

— Le singe ! le singe ! s’écria Arthur.

Je m’approchai de l’enfant, et, tandis qu’il flattait et caressait Joli-Cœur, je pus l’examiner à loisir.

Chose surprenante, il était bien véritablement attaché sur une planche, comme je l’avais cru tout d’abord.

— Vous avez un père, n’est-ce pas, mon enfant ? me demanda la dame.

— Oui, mais je suis seul en ce moment.

— Pour longtemps ?

— Pour deux mois.

— Deux mois ! Oh ! mon pauvre petit ! comment seul ainsi pour si longtemps à votre âge !