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SANS FAMILLE

— Il le faut bien, madame !

— Votre maître vous oblige sans doute à lui rapporter une somme d’argent au bout de ces deux mois ?

— Non, madame ; il ne m’oblige à rien. Pourvu que je trouve à vivre avec ma troupe, cela suffit.

— Et vous avez trouvé à vivre jusqu’à ce jour ?

J’hésitai avant de répondre : je n’avais jamais vu une dame qui m’inspirât un sentiment de respect comme celle qui m’interrogeait. Cependant elle me parlait avec tant de bonté, sa voix était si douce, son regard était si affable, si encourageant, que je me décidai à dire la vérité. D’ailleurs, pourquoi me taire ?

Je lui racontai donc comment j’avais dû me séparer de Vitalis, condamné à la prison pour m’avoir défendu, et comment depuis que j’avais quitté Toulouse, je n’avais pas pu gagner un sou.

Pendant que je parlais, Arthur jouait avec les chiens, mais cependant il écoutait et entendait ce que je disais.

— Comme vous devez tous avoir faim ! s’écria-t-il.

À ce mot, qu’ils connaissaient bien, les chiens se mirent à aboyer et Joli-Cœur se frotta le ventre avec frénésie.

— Oh ! maman, dit Arthur.

La dame comprit cet appel : elle dit quelques mots en langue étrangère à une femme qui montrait sa tête dans une porte entre-bâillée et presque aussitôt cette femme apporta une petite table servie.

— Asseyez-vous, mon enfant, me dit la dame.

Je ne me fis pas prier, je posai ma harpe et m’assis vivement devant la table ; les chiens se rangèrent aus-