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SANS FAMILLE

Depuis la construction des chemins de fer, on ne visite plus, on ne connaît même plus le canal du Midi, et cependant c’est une des curiosités de la France.

De Villefranche de Lauraguais nous avions été à Avignonnet, et d’Avignonnet aux pierres de Naurouse où s’élève le monument érigé à la gloire de Riquet, le constructeur du canal, à l’endroit même où se trouve la ligne de faîte entre les rivières qui vont se jeter dans l’Océan et celles qui descendent à la Méditerranée.

Puis nous avions traversé Castelnaudary, la ville des moulins, Carcassonne, la cité du moyen âge, et par l’écluse de Fouserannes, si curieuse avec ses huit sas accolés, nous étions descendus à Béziers.

Quand le pays était intéressant, nous ne faisions que quelques lieues dans la journée ; quand au contraire il était monotone, nous allions plus vite.

C’était la route elle-même qui décidait notre marche et notre départ. Aucune des préoccupations ordinaires aux voyageurs ne nous gênait ; nous n’avions pas à faire de longues étapes pour gagner une auberge où nous serions certains de trouver à dîner et à coucher.

À heure fixe, nos repas étaient servis sous la verandah ; et tout en mangeant nous suivions tranquillement le spectacle mouvant des deux rives.

Quand le soleil s’abaissait, nous nous arrêtions où l’ombre nous surprenait ; et nous restions là jusqu’à ce que la lumière reparût.

Toujours chez nous, dans notre maison, nous ne connaissions point les heures désœuvrées du soir, si