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SANS FAMILLE

— Oh ! mère Barberin.

— Comme d’avance j’avais deviné tout cela, je me suis arrangée pour que mardi gras ne te fasse pas vilaine figure. Regarde dans la huche.

Le couvercle levé, et il le fut vivement, j’aperçus le lait, le beurre, des œufs et trois pommes.

— Donne-moi les œufs, me dit-elle, et, pendant que je les casse, pèle les pommes.

Pendant que je coupais les pommes en tranches, elle cassa les œufs dans la farine et se mit à battre le tout, en versant dessus, de temps en temps, une cuillerée de lait.

Quand la pâte fut délayée, mère Barberin posa la terrine sur les cendres chaudes, et il n’y eut plus qu’à attendre le soir, car c’était à notre souper que nous devions manger les crêpes et les beignets.

Pour être franc, je dois avouer que la journée me parut longue et que plus d’une fois j’allai soulever le linge qui recouvrait la terrine.

— Tu vas faire prendre froid à la pâte, disait mère Barberin, et elle lèvera mal.

Mais elle levait bien, et de place en place se montraient des renflements, des sortes de bouillons qui venaient crever à la surface. De toute la pâte en fermentation se dégageait une bonne odeur d’œufs et de lait.

— Casse de la bourrée, me disait-elle ; il nous faut un bon feu clair, sans fumée.

Enfin, la chandelle fut allumée.

— Mets du bois au feu ! me dit-elle.

Il ne fut pas nécessaire de me répéter deux fois