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SANS FAMILLE

cette parole que j’attendais avec tant d’impatience. Bientôt une grande flamme monta dans la cheminée et sa lueur vacillante emplit la cuisine.

Alors mère Barberin décrocha de la muraille la poêle à frire et la posa au-dessus de la flamme.

— Donne-moi le beurre.

Elle en prit, au bout de son couteau, un morceau gros comme une petite noix et le mit dans la poêle, où il fondit en grésillant.

Ah ! c’était vraiment une bonne odeur qui chatouillait d’autant plus agréablement notre palais que depuis longtemps nous ne l’avions pas respirée.

C’était aussi une joyeuse musique que celle produite par les grésillements et les sifflements du beurre.

Cependant, si attentif que je fusse à cette musique, il me sembla entendre un bruit de pas dans la cour.

Qui pouvait venir nous déranger à cette heure ? Une voisine sans doute, pour nous demander du feu.

Mais je ne m’arrêtai pas à cette idée, car mère Barberin qui avait plongé la cuiller à pot dans la terrine, venait de faire couler dans la poêle une nappe de pâte blanche, et ce n’était pas le moment de se laisser aller aux distractions.

Un bâton heurta le seuil, puis aussitôt la porte s’ouvrit brusquement.

— Qui est là ? demanda mère Barberin sans se retourner.

Un homme était entré, et la flamme qui l’avait éclairé en plein m’avait montré qu’il était vêtu d’une blouse blanche et qu’il tenait à la main un gros bâton.