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SANS FAMILLE

ment de la servante, tournait et retournait le pauvre petit Joli-Cœur, comme s’il voulait le faire rôtir.

— As-tu chaud ? me demanda Vitalis après quelques instants.

— J’étouffe.

— C’est justement ce qu’il faut.

Et venant à moi vivement, il mit Joli-Cœur dans mon lit, en me recommandant de le tenir bien serré contre ma poitrine.

La pauvre petite bête, qui était ordinairement si rétive lorsqu’on lui imposait quelque chose qui lui déplaisait, semblait résignée à tout.

Elle se tenait collée contre moi, sans faire un mouvement ; elle n’avait plus froid, son corps était brûlant.

Mon maître était descendu à la cuisine ; bientôt il remonta portant un bol de vin chaud et sucré.

Il voulut faire boire quelques cuillerées de ce breuvage à Joli-Cœur, mais celui-ci ne put pas desserrer les dents.

Avec ses yeux brillants il nous regardait tristement comme pour nous prier de ne pas le tourmenter.

En même temps il sortait un de ses bras du lit et nous le tendait.

Je me demandais ce que signifiait ce geste qu’il répétait à chaque instant, quand Vitalis me l’expliqua.

Avant que je fusse entré dans la troupe, Joli-Cœur avait eu une fluxion de poitrine et on l’avait saigné au bras ; à ce moment, se sentant de nouveau malade, il nous tendait le bras pour qu’on le saignât en-