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SANS FAMILLE

core et le guérît comme on l’avait guéri la première fois.

N’était-ce pas touchant ?

Non-seulement Vitalis fut touché, mais encore il fut inquiété.

Il était évident que le pauvre Joli-Cœur était malade, et même il fallait qu’il se sentît bien malade pour refuser le vin sucré qu’il aimait tant.

— Bois le vin, dit Vitalis, et reste au lit, je vais aller chercher un médecin.

Il faut avouer que moi aussi j’aimais bien le vin sucré, et de plus j’avais une terrible faim ; je ne me fis donc pas donner cet ordre deux fois, et après avoir vidé le bol, je me replaçai sous l’édredon, où la chaleur du vin aidant, je faillis étouffer.

Notre maître ne fut pas longtemps sorti ; bientôt il revint amenant avec lui un monsieur à lunettes d’or, — le médecin.

Craignant que ce puissant personnage ne voulût pas se déranger pour un singe, Vitalis n’avait pas dit pour quel malade il l’appelait ; aussi, me voyant dans le lit rouge comme une pivoine qui va ouvrir, le médecin vint à moi, et m’ayant posé la main sur le front :

— Congestion, dit-il.

Et il secoua la tête d’un air qui n’annonçait rien de bon.

Il était temps de le détromper, ou bien il allait peut-être me saigner.

— Ce n’est pas moi qui suis malade, dis-je.

— Comment, pas malade ? Cet enfant délire.