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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/289

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SANS FAMILLE

— Ah ! si j’avais tes yeux ! dit Vitalis, mais je vois trouble, regarde là-bas.

Il étendit la main droit devant lui, puis comme je ne répondais pas, car je n’osais pas dire que je ne voyais rien, il se remit en marche.

Quelques minutes se passèrent en silence, puis il s’arrêta de nouveau et me demanda encore si je ne voyais pas de bouquet d’arbres. Je n’avais plus la même sécurité que quelques instants auparavant, et un vague effroi fit trembler ma voix quand je répondis que je ne voyais rien.

— C’est ta peur qui te fait danser les yeux, dit Vitalis.

— Je vous assure que je ne vois pas d’arbres.

— Pas de grande roue ?

— On ne voit rien.

— Nous sommes-nous trompés !

Je n’avais pas à répondre, je ne savais ni où nous étions, ni où nous allions.

— Marchons encore cinq minutes, et si nous ne voyons pas les arbres nous reviendrons en arrière ; je me serai trompé de chemin.

Maintenant que je comprenais que nous pouvions être égarés, je ne me sentais plus de forces. Vitalis me tira par le bras.

— Eh bien !

— Je ne peux plus marcher.

— Et moi, crois-tu que je peux te porter ? si je me tiens encore debout c’est soutenu par la pensée que si nous nous asseyons nous ne nous relèverons pas et mourrons là de froid. Allons !