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SANS FAMILLE

yeux. Quand son père eut dit que Vitalis était mort, elle comprit sans doute, elle sentit par une intuition rapide le coup que cette nouvelle me portait, car quittant vivement son coin elle s’avança vers son père, lui posa une main sur le bras et me désigna de l’autre main en faisant entendre un son étrange qui n’était point la parole humaine mais quelque chose comme un soupir doux et compatissant.

D’ailleurs le geste était si éloquent qu’il n’avait pas besoin d’être appuyé par des mots ; je sentis dans ce geste et dans le regard qui l’accompagnait une sympathie instinctive, et pour la première fois depuis ma séparation d’avec Arthur j’éprouvai un sentiment indéfinissable de confiance et de tendresse, comme au temps où mère Barberin me regardait avant de m’embrasser. Vitalis était mort, j’étais abandonné, et cependant il me sembla que je n’étais point seul, comme s’il eût été encore là près de moi.

— Eh bien, oui, ma petite Lise, dit le père en se penchant vers sa fille, ça lui fait de la peine, mais il faut bien lui dire la vérité, si ce n’est pas nous, ce seront les gens de la police.

Et il continua à me raconter comment on avait été prévenir les sergents de ville, et comment Vitalis avait été emporté par eux tandis qu’on m’installait, moi, dans le lit d’Alexis, son fils aîné.

— Et Capi ? dis-je, lorsqu’il eut cessé de parler.

— Capi !

— Oui, le chien ?

— Je ne sais pas, il a disparu.

— Il a suivi le brancard, dit l’un des enfants.