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SANS FAMILLE


XXI


LA FAMILLE DISPERSÉE


Il y avait des jours où me trouvant seul et réfléchissant, je me disais :

— Tu es trop heureux mon garçon, ça ne durera pas.

Comment me viendrait le malheur, je ne le prévoyais pas, mais j’étais à peu près certain que, d’un côté ou de l’autre, il me viendrait.

Cela me rendait assez souvent triste, mais d’un autre côté cela avait de bon que pour éviter ce malheur, je m’appliquais à faire de mon mieux ce que je faisais, me figurant que ce serait par ma faute, que je serais frappé.

Ce ne fut point par ma faute, mais si je me trompai sur ce point, je ne devinai que trop juste quant au malheur.

J’ai dit que le père cultivait les giroflées : c’est une culture assez facile et que les jardiniers des environs de Paris réussissent à merveille, témoin les grosses plantes trapues garnies de fleurs du haut en bas qu’ils