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SANS FAMILLE

de la vente, ni trop tard, elles n’auraient pas encore été en fleurs. On comprend que cela exige un certain talent, car on n’est pas maître du soleil, ni du temps, qui est plus ou moins beau. Le père Acquin était passé maître dans cet art, et jamais ses plantes n’arrivaient trop tôt ni trop tard. Mais aussi que de soins, que de travail !

Au moment où j’en suis arrivé de mon récit, notre saison s’annonçait comme devant être excellente ; nous étions au 5 août et toutes nos plantes étaient à point : dans le jardin, en plein air, les reines-marguerites montraient leurs corolles prêtes à s’épanouir, et dans les serres ou sous les châssis dont le verre était soigneusement blanchi au lait de chaux pour tamiser la lumière, fuchsias et lauriers-roses commençaient à fleurir : ils formaient de gros buissons ou des pyramides garnies de boutons du haut en bas, le coup d’œil était superbe ; et, de temps en temps, je voyais le père se frotter les mains avec contentement.

— La saison sera bonne, disait-il à ses fils.

Et en riant tout bas, il faisait le compte de ce que la vente de toutes ces fleurs lui rapporterait.

On avait rudement travaillé pour en arriver là et sans prendre une heure de congé, même le dimanche ; cependant tout étant à point et en ordre, il fut décidé que pour notre récompense nous irions tous dîner ce dimanche 5 août à Arcueil chez un des amis du père, jardinier comme lui ; Capi lui-même serait de la partie. On travaillerait jusqu’à trois ou quatre heures, puis quand tout serait fini, on fermerait la porte à clef, et l’on s’en irait gaiement, on arriverait à Arcueil, vers