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SANS FAMILLE

cinq ou six heures, puis après dîner on reviendrait tout de suite pour ne pas se coucher trop tard et être au travail le lundi de bonne heure, frais et dispos.

Quelle joie !

Il fut fait ainsi qu’il avait été décidé, et quelques minutes avant quatre heures, le père tournait la clef dans la serrure de la grande porte.

— En route tout le monde ! dit-il joyeusement.

— En avant, Capi !

Et prenant Lise par la main, je me mis à courir avec elle accompagné par les aboiements joyeux de Capi qui sautait autour de nous. Peut-être croyait-il que nous nous en allions pour longtemps sur les grands chemins, ce qui lui aurait mieux plu que de rester à la maison, où il s’ennuyait, car il ne m’était pas toujours possible de m’occuper de lui, — ce qu’il aimait par-dessus tout.

Nous étions tous endimanchés et superbes avec nos beaux habits à manger du rôti. Il y avait des gens qui se retournaient pour nous voir passer. Je ne sais pas ce que j’étais moi-même, mais Lise, avec son chapeau de paille, sa robe bleue et ses bottines de toile grise était bien la plus jolie petite fille qu’on puisse voir, la plus vivante ; c’était la grâce dans la vivacité ; ses yeux, ses narines frémissantes, ses épaules, ses bras, ses mains, tout en elle parlait et disait son plaisir.

Le temps passa si vite que je n’en eus pas conscience ; tout ce que je sais, c’est que comme nous arrivions à la fin du dîner, l’un de nous remarqua que le ciel s’emplissait de nuages noirs du côté du couchant, et comme notre table était servie en plein air sous un gros