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SANS FAMILLE

Et alors nous vîmes tomber l’averse de grêle la plus terrible qu’on puisse imaginer ; en un instant la rue fut couverte d’une couche blanche comme en plein hiver ; les grêlons étaient gros comme des œufs de pigeon et en tombant ils produisaient un tapage assourdissant au milieu duquel éclataient de temps en temps des bruits de vitres cassées ; avec les grêlons qui glissaient des toits dans la rue tombaient toutes sortes de choses, des morceaux de tuiles, des plâtras, des ardoises broyées, surtout des ardoises qui faisaient des tas noirs au milieu de la blancheur de la grêle.

— Hélas ! les panneaux ! s’écria Étiennette.

C’était aussi la pensée qui m’était venue à l’esprit.

— Peut-être le père sera-t-il arrivé à temps ?

— Quand même ils seraient arrivés avant la grêle, jamais ils n’auront eu le temps de couvrir les panneaux avec les paillassons ; tout va être perdu.

— On dit que la grêle ne tombe que par places.

— Nous sommes trop près de la maison pour qu’elle nous ait épargnés ; si elle tombe sur le jardin comme ici, le pauvre père va être ruiné ; oh ! mon Dieu, il comptait tant sur la vente, et il avait tant besoin de cet argent !

Sans bien connaître le prix des choses j’avais bien souvent entendu dire que les panneaux vitrés coûtaient 15 ou 1,800 francs le cent, et je compris tout de suite quel désastre ce pouvait être pour nous, si la grêle avait brisé nos cinq ou six cents panneaux, sans parler des serres ni des plantes.

J’aurais voulu interroger Étiennette, mais c’était à peine si nous pouvions nous entendre tant le tapage