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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/338

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SANS FAMILLE

produit par les grêlons était assourdissant ; et puis, à vrai dire, Étiennette ne paraissait pas disposée à parler ; elle regardait tomber la grêle avec une figure désolée, comme doit l’être celle des gens qui voient brûler leur maison.

Cette terrible averse ne dura pas longtemps, cinq ou six minutes peut-être, et elle cessa tout à coup comme tout à coup elle avait commencé : le nuage fila sur Paris et nous pûmes sortir de dessous notre grande porte. Dans la rue, les grêlons durs et ronds roulaient sous les pieds comme les galets de la mer, et il y en avait une telle épaisseur que les pieds enfonçaient dedans jusqu’à la cheville.

Lise, ne pouvant marcher dans cette grêle glacée, avec ses bottines de toile, je la pris sur mon dos ; son visage si gai en venant, était maintenant navré, des larmes roulaient dans ses yeux.

Nous ne tardâmes pas à arriver à la maison dont la grande porte était restée ouverte ; nous entrâmes vivement dans le jardin.

Quel spectacle ! tout était brisé, haché : panneaux, fleurs, morceaux de verre, grêlons formaient un mélange, un fouillis sans forme ; de ce jardin si beau, si riche le matin, rien ne restait que ces débris sans nom.

Où était le père ?

Nous le cherchâmes, ne le voyant nulle part, et nous arrivâmes ainsi à la grande serre dont pas une vitre n’était restée intacte : il était assis, affaissé pour mieux dire, sur un escabeau au milieu des débris qui couvraient le sol, Alexis et Benjamin près de lui immobiles.