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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/345

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SANS FAMILLE

rice à Paris, pendant dix ans, à cinq reprises différentes ; elle connaissait les difficultés de ce monde, et comme elle le disait elle-même, elle savait se retourner.

Ce fut un soulagement pour nous de l’entendre nous commander et de lui obéir, nous avions retrouvé une indication, nous étions replacés debout sur nos jambes.

Pour une paysanne sans éducation, comme sans fortune, c’était une lourde responsabilité qui lui tombait sur les bras, et bien faite pour inquiéter les plus braves ; une famille d’orphelins dont l’aîné n’avait pas seize ans et dont la plus jeune était muette. Que faire de ces enfants ? Comment s’en charger quand on avait bien du mal à vivre soi-même ?

Le père d’un des enfants qu’elle avait nourris était notaire ; elle l’alla consulter, et ce fut avec lui, d’après ses conseils et ses soins, que notre sort fut arrêté. Puis ensuite elle alla s’entendre avec le père à la prison, et huit jours après son arrivée à Paris, sans nous avoir une seule fois parlé de ses démarches et de ses intentions, elle nous fit part de la décision qui avait été prise.

Comme nous étions trop jeunes pour continuer à travailler seuls, chacun des enfants s’en irait chez des oncles et des tantes qui voulaient bien les prendre :

Lise chez tante Catherine dans le Morvan.

Alexis chez un oncle qui était mineur à Varses, dans les Cévennes.

Benjamin chez un autre oncle qui était jardinier à Saint-Quentin.