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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/346

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SANS FAMILLE

Et Étiennette chez une tante qui était mariée dans la Charente au bord de la mer, à Esnandes.

J’écoutais ces dispositions, attendant qu’on en vînt à moi. Mais comme la tante Catherine avait cessé de parler, je m’avançai :

— Et moi ? dis-je.

— Toi, mais tu n’es pas de la famille.

— Je travaillerai pour vous.

— Tu n’es pas de la famille.

— Demandez à Alexis, à Benjamin si je n’ai pas du courage à l’ouvrage.

— Et à la soupe aussi, n’est-il pas vrai ?

— Si, si, il est de la famille, dirent-ils tous.

Lise s’avança et joignit les mains devant sa tante avec un geste qui en disait plus que de longs discours.

— Ma pauvre petite, dit la tante Catherine, je te comprends bien, tu veux qu’il vienne avec toi ; mais vois-tu dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut. Toi tu es ma nièce, et quand nous allons arriver à la maison, si l’homme dit une parole de travers, ou fait la mine pour se tasser à table, je n’aurai qu’un mot à répondre : « Elle est de la famille, qui donc en aura pitié si ce n’est nous ? » Et ce que je te dis là pour nous, est tout aussi vrai pour l’oncle de Saint-Quentin, pour celui de Varses, pour la tante d’Esnandes. On accepte ses parents, on n’accueille pas les étrangers ; le pain est mince rien que pour la seule famille, il n’y en a pas pour tout le monde.

Je sentis bien qu’il n’y avait rien à faire, rien à ajouter. Ce qu’elle disait n’était que trop vrai. « Je n’étais