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SANS FAMILLE

apprise était pour lui une chose sue pour toujours ; il ne l’oubliait plus ; et comme il n’avait pas de distractions, il n’hésitait, ou ne se trompait jamais.

Alors quand je me trouvais en faute, notre maître ne manquait jamais de dire :

— Capi saura lire avant Rémi.

Et le chien, comprenant sans doute, remuait la queue d’un air de triomphe.

— Plus bête qu’une bête, c’est bon dans la comédie, disait encore Vitalis, mais dans la réalité c’est honteux.

Cela me piqua si bien, que je m’appliquai de tout cœur, et tandis que le pauvre chien en restait à écrire son nom, en triant les quatre lettres qui le composent parmi toutes les lettres de l’alphabet, j’arrivai enfin à lire dans un livre.

— Maintenant que tu sais lire l’écriture, me dit Vitalis, veux-tu apprendre à lire la musique ?

— Est-ce que quand je saurai lire la musique, je pourrai chanter comme vous ?

— Tu voudrais donc chanter comme moi ?

— Oh ! pas comme vous, je sais bien que cela n’est pas possible, mais enfin chanter.

— Tu as du plaisir à m’entendre chanter !

— Le plus grand plaisir qu’on puisse éprouver ; le rossignol chante bien, mais il me semble que vous chantez bien mieux encore : et puis ce n’est pas du tout la même chose ; quand vous chantez, vous faites de moi ce que vous voulez, j’ai envie de pleurer ou bien j’ai envie de rire, et puis je vais vous dire une chose qui va peut-être vous paraître bête : quand vous chantez un air doux ou triste, cela me ramène auprès de