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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/119

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SANS FAMILLE

Disant cela il lança un regard significatif à Bergounhoux, mais celui-ci au lieu de se fâcher confirma les paroles de son adversaire.

— Cela c’est certain, dit-il, Dieu veut donner à l’un de nous l’occasion d’expier et de racheter une faute. Est-ce Pagès, est-ce moi ? je ne sais pas. Pour moi tout ce que je peux dire, c’est que je paraîtrais devant Dieu la conscience plus tranquille si je m’étais conduit en meilleur chrétien en ces derniers temps ; je lui demande pardon de mes fautes de tout mon cœur.

Et se mettant à genoux il se frappa la poitrine.

— Pour moi, s’écria Pagès, je ne dis pas que je n’ai pas des péchés sur la conscience et je m’en confesse à vous tous ; mais mon bon ange et saint Jean, mon patron, savent bien que je n’ai jamais péché volontairement, je n’ai jamais fait de tort à personne.

Je ne sais si c’était l’influence de cette prison sombre, la peur de la mort, la faiblesse du jeûne, la clarté mystérieuse de la lampe qui éclairait à peine cette scène étrange, mais j’éprouvais une émotion profonde en écoutant cette confession publique, et comme Pagès et Bergounhoux j’étais prêt à me mettre à genoux pour me confesser avec eux.

Tout à coup derrière moi un sanglot éclata et m’étant retourné, je vis l’immense Compayrou qui se jetait à deux genoux sur la terre. Depuis quelques heures il avait abandonné le palier supérieur pour prendre sur le nôtre, la place de Carrory, et il était mon voisin.

— Le coupable, s’écria-t-il, n’est ni Pagès ni Bergounhoux ; c’est moi. C’est moi que le bon Dieu punit, mais je me repens, je me repens. Voilà la vérité,