Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
SANS FAMILLE

dans une ville où les querelles religieuses ont toutes les violences qu’elles avaient au dix-septième siècle, alors que la moitié des habitants se battait contre l’autre moitié, — cette observation, pas plus que la réponse de Bergounhoux, ne pouvaient passer sans querelles.

Tous deux en même temps s’étaient levés, et sur leur étroit palier, ils se défiaient, prêts à en venir aux mains.

Mettant son pied sur l’épaule de l’oncle Gaspard, le magister escalada la remontée et se jeta entre eux.

— Si vous voulez vous battre, dit-il, attendez que vous soyez sortis.

— Et si nous ne sortons pas ? répliqua Bergounhoux.

— Alors il sera prouvé que tu avais raison et que Pagès avait tort, puisque à sa prière il a été répondu qu’il sortirait.

Cette réponse avait le mérite de satisfaire les deux adversaires.

— Je sortirai, dit Pagès.

— Tu ne sortiras pas, répondit Bergounhoux.

— Ce n’est pas la peine de vous quereller, puisque bientôt vous saurez à quoi vous en tenir.

— Je sortirai.

— Tu ne sortiras pas.

La dispute heureusement apaisée par l’adresse du magister se calma, mais nos idées avaient pris une teinte sombre que rien ne pouvait éclaircir.

— Je crois que je sortirai, dit Pagès, après un moment de silence, mais si nous sommes ici c’est bien sûr parce qu’il y a parmi nous des méchants que Dieu veut punir.