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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/124

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SANS FAMILLE

mois, mais avec les moyens dont on disposait et l’ardeur déployée, c’était peu.

Il fallait d’ailleurs tout le noble entêtement de l’ingénieur pour continuer ce travail, car de l’avis unanime il était malheureusement inutile. Tous les mineurs engloutis avaient péri. Il n’y avait désormais qu’à continuer l’épuisement au moyen des bennes, et un jour ou l’autre on retrouverait tous les cadavres. Alors de quelle importance était-il d’arriver quelques heures plus tôt ou quelques heures plus tard ?

C’était là l’opinion des gens compétents aussi bien que du public ; les parents eux-mêmes, les femmes, les mères avaient pris le deuil. Personne ne sortirait plus vivant de la Truyère.

Sans ralentir les travaux d’épuisement qui marchaient sans autres interruptions que celles qui résultaient des avaries dans les appareils, l’ingénieur, en dépit des critiques universelles et des observations de ses confrères ou de ses amis, faisait continuer la descente.

Il y avait en lui l’obstination qui fit trouver un nouveau monde à Colomb.

— Encore un jour, mes amis, disait-il aux ouvriers, et, si demain nous n’avons rien de nouveau, nous renoncerons ; je vous demande pour vos camarades ce que je demanderais pour vous, si vous étiez à leur place.

La foi qui l’animait passait dans le cœur de ses ouvriers, qui arrivaient ébranlés par les bruits de la ville et qui partaient partageant ses convictions.

Et avec un ensemble, une activité admirables la descente se creusait.