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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/136

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SANS FAMILLE

jusqu’à nous c’est que l’eau n’emplissait plus les galeries dans toute leur hauteur.

Ces rats furent pour notre prison ce qu’a été la colombe pour l’arche de Noé : la fin du déluge.

— Bergounhoux, dit le magister en se haussant jusqu’au palier supérieur, reprends courage.

Et il lui expliqua comment les rats annonçaient notre prochaine délivrance.

Mais Bergounhoux ne se laissa pas entraîner.

— S’il faut passer encore de l’espérance au désespoir, j’aime mieux ne pas espérer ; j’attends la mort, si c’est le salut qui vient, béni soit Dieu.

Je voulus descendre au bas de notre remontée pour bien voir les progrès de la baisse des eaux. Ces progrès étaient sensibles et maintenant il y avait un grand vide entre l’eau et le toit de la galerie.

— Attrape-nous des rats, me cria Carrory, que nous les mangions.

Mais pour attraper les rats il eût fallu plus agile que moi.

Pourtant l’espérance m’avait ranimé et le vide dans la galerie m’inspirait une idée qui me tourmentait. Je remontai à notre palier.

— Magister, j’ai une idée : puisque les rats circulent dans la galerie, c’est qu’on peut passer ; je vais aller en nageant jusqu’aux échelles et appeler : on viendra nous chercher ; ce sera plus vite fait que par la descente.

— Je te le défends !

— Mais, magister, je nage comme vous marchez et suis dans l’eau comme une anguille.