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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/137

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SANS FAMILLE

— Et le mauvais air ?

— Puisque les rats passent, l’air ne sera pas plus mauvais pour moi qu’il n’est pour eux.

— Vas-y, Rémi, cria Pagès, je te donnerai ma montre.

— Gaspard, qu’est-ce que vous en dites ? demanda le magister.

— Rien ; s’il croit pouvoir aller aux échelles qu’il y aille, je n’ai pas le droit de l’en empêcher.

— Et s’il se noie ?

— Et s’il se sauve au lieu de mourir ici en attendant ?

Un moment le magister resta à réfléchir, puis me prenant la main :

— Tu as du cœur, petit, fais comme tu veux ; je crois que c’est l’impossible que tu essayes, mais ce n’est pas la première fois que l’impossible réussit. Embrasse-nous.

Je l’embrassai ainsi que l’oncle Gaspard, puis ayant quitté mes vêtements, je descendis dans l’eau.

— Vous crierez toujours, dis-je avant de me mettre à nager, votre voix me guidera.

Quel était le vide sous le toit de la galerie ? Était-il assez grand pour me mouvoir librement ? C’était là la question.

Après quelques brasses, je trouvai que je pouvais nager en allant doucement de peur de me cogner la tête : l’aventure que je tentais était donc possible. Au bout, était-ce la délivrance, était-ce la mort ?

Je me retournai et j’aperçus la lueur de la lampe que reflétaient les eaux noires : là j’avais un phare.