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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/151

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SANS FAMILLE

métier de rouleur, Mattia dans son excursion avait rencontré un montreur d’ours qui se rendait à ces villes d’eaux, où, avait-il dit, on pouvait gagner de l’argent. Or Mattia voulait gagner de l’argent, trouvant que cent cinquante francs pour acheter une vache, ce n’était pas assez. Plus nous aurions d’argent, plus la vache serait belle, plus la vache serait belle, plus mère Barberin serait contente, et plus mère Barberin serait contente, plus nous serions heureux de notre côté.

Il fallait donc nous diriger vers Clermont.

En venant de Paris à Varses, j’avais commencé l’instruction de Mattia, lui apprenant à lire et lui enseignant aussi les premiers éléments de la musique ; de Varses à Clermont, je continuai mes leçons.

Soit que je ne fusse pas un très-bon professeur, — ce qui est bien possible, — soit que Mattia ne fût pas un bon élève, — ce qui est possible aussi, — toujours est-il qu’en lecture les progrès furent lents et difficiles, ainsi que je l’ai déjà dit.

Mattia avait beau s’appliquer et coller ses yeux sur le livre, il lisait toutes sortes de choses fantaisistes qui faisaient plus d’honneur à son imagination qu’à son attention.

Alors quelquefois l’impatience me prenait et, frappant sur le livre, je m’écriais avec colère que décidément il avait la tête trop dure.

Sans se fâcher, il me regardait avec ses grands yeux doux, et souriant :

— C’est vrai, disait-il, je ne l’ai tendre que quand on cogne dessus : Garofoli, qui n’était pas bête, avait tout de suite trouvé cela.