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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/17

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SANS FAMILLE

Machinalement et sans trop savoir ce que je faisais, je le palpai : ma montre !

Instantanément chagrins, inquiétudes, angoisses, tout fut oublié, je ne pensai plus qu’à ma montre. J’avais une montre, une montre à moi, dans ma poche, à laquelle je pouvais regarder l’heure ! Et je la tirai de ma poche pour voir quelle heure il était : midi. Cela n’avait aucune importance pour moi qu’il fût midi ou dix heures, ou deux heures, mais je fus très-heureux pourtant qu’il fût midi. Pourquoi ? J’aurais été bien embarrassé de le dire ; mais cela était. Ah ! midi, déjà midi. Je savais qu’il était midi, ma montre me l’avait dit ; quelle affaire ! Et il me sembla qu’une montre c’était une sorte de confident à qui l’on demandait conseil et avec qui l’on pouvait s’entretenir.

— Quelle heure est-il, mon amie la montre ? —

— Midi, mon cher Rémi. — Ah ! midi, alors je dois faire ceci et cela, n’est-ce pas ? — Mais certainement. — Tu as bien fait de me le rappeler, sans toi je l’oubliais. — Je suis là pour que tu n’oublies pas. Avec Capi et ma montre j’avais maintenant à qui parler.

Ma montre ! Voilà deux mots agréables à prononcer. J’avais eu si grande envie d’avoir une montre, et je m’étais toujours si bien convaincu moi-même que je n’en pourrais jamais avoir une ! Et cependant voilà que dans ma poche il y en avait une qui faisait tic-tac. Elle ne marchait pas très-bien, disait le père. Cela n’avait pas d’importance. Elle marchait, cela suffisait. Elle avait besoin d’un bon coup de pouce. Je lui en donnerais et de vigoureux encore, sans les lui épargner, et si les coups de pouce ne suffisaient pas, je la dé-