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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/184

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SANS FAMILLE

nos couteaux, nos allumettes, et pendant ce temps, le geôlier amassa vivement tous ses oignons dans un coin. Alors on nous laissa et la porte se referma sur nous avec un bruit de ferraille vraiment tragique.

Nous étions en prison. Pour combien de temps ?

Comme je me posais cette question, Mattia vint se mettre devant moi et baissant la tête :

— Cogne, dit-il, cogne sur la tête, tu ne frapperas jamais assez fort pour ma bêtise.

— Tu as fait la bêtise, et j’ai laissé la faire, j’ai été aussi bête que toi.

— J’aimerais mieux que tu cognes, j’aurais moins de chagrin : notre pauvre vache, la vache du prince !

Et il se mit à pleurer.

Alors ce fut à moi de le consoler en lui expliquant que notre position n’était pas bien grave, nous n’avions rien fait, et il ne nous serait pas difficile de prouver que nous avions acheté notre vache, le bon vétérinaire d’Ussel serait notre témoin.

— Et si l’on nous accuse d’avoir volé l’argent avec lequel nous avons payé notre vache, comment prouverons-nous que nous l’avons gagné ? tu vois bien que quand on est malheureux, on est coupable de tout.

Mattia avait raison, je ne savais que trop bien qu’on est dur aux malheureux ; les cris qui venaient de nous accompagner jusqu’à la prison ne le prouvaient-ils pas encore ?

— Et puis, dit Mattia en continuant de pleurer, quand nous sortirons de cette prison, quand on nous rendrait notre vache, est-il certain que nous trouverons mère Barberin ?