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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/216

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SANS FAMILLE

là-dessus, je ne m’en serais jamais chargé. » Cela avait, depuis cette époque, entretenu mes mauvais sentiments à l’égard de Barberin.

Ce n’était pas par pitié que Barberin m’avait ramassé dans la rue, ce n’était pas par pitié non plus qu’il s’était chargé de moi, c’était tout simplement parce que j’étais enveloppé dans de beaux langes, c’était parce qu’il y aurait profit un jour à me rendre à mes parents ; ce jour n’étant pas venu assez vite au gré de son désir, il m’avait vendu à Vitalis ; maintenant il allait me vendre à mon père.

Quelle différence entre le mari et la femme ; ce n’était pas pour l’argent qu’elle m’avait aimée, mère Barberin. Ah ! comme j’aurais voulu trouver un moyen pour que ce fût elle qui eût le profit et non Barberin !

Mais j’avais beau chercher, me tourner et me retourner dans mon lit, je ne trouvais rien et toujours je revenais à cette idée désespérante que ce serait Barberin qui me ramènerait à mes parents, que ce serait lui qui serait remercié, récompensé.

Enfin il fallait bien en passer par là, puisqu’il était impossible de faire autrement, ce serait à moi plus tard, quand je serais riche, de bien marquer la différence que j’établissais dans mon cœur entre la femme et le mari, ce serait à moi de remercier et de récompenser mère Barberin.

Pour le moment je n’avais qu’à m’occuper de Barberin, c’est-à-dire que je devais le chercher et le trouver, car il n’était pas de ces maris qui ne font point un pas sans dire à leur femme où ils vont et où l’on pourra s’adresser si l’on a besoin d’eux ; tout ce