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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/22

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SANS FAMILLE

— Restez là, lui dis-je.

Et je courus chez un boulanger dont la boutique faisait le coin de la rue ; bientôt je revins avec une miche de pain que je lui offris ; il se jeta dessus et la dévora.

— Et maintenant, lui dis-je, que voulez-vous faire ?

— Je ne sais pas.

— Il faut faire quelque chose.

— J’allais tâcher de vendre mon violon quand vous m’avez parlé, et je l’aurais déjà vendu si cela ne me faisait pas chagrin de m’en séparer : mon violon, c’est ma joie et ma consolation ; quand je suis trop triste, je cherche un endroit où je serai seul, et je joue pour moi ; alors je vois toutes sortes de belles choses dans le ciel, c’est bien plus beau que dans les rêves, ça se suit.

— Alors pourquoi ne jouez-vous pas du violon dans les rues ?

— J’en ai joué, personne ne m’a donné.

Je savais ce que c’était que de jouer sans que personne mît la main à la poche.

— Et vous ? demanda Mattia, que faites-vous maintenant ?

Je ne sais quel sentiment de vantardise enfantine m’inspira :

— Mais je suis chef de troupe, dis-je.

En réalité cela était vrai puisque j’avais une troupe composée de Capi, mais cette vérité frisait de près la fausseté.

— Oh ! si vous vouliez ? dit Mattia.

— Quoi ?