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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/223

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SANS FAMILLE

pour cela seulement, parce que nous allons être séparés, et que j’avais cru, je m’étais imaginé, bien des fois même j’avais rêvé que nous serions toujours ensemble, comme nous sommes. Oh ! pas comme nous sommes en ce moment, de pauvres musiciens des rues ; nous aurions travaillé tous les deux ; nous serions devenus de vrais musiciens, jouant devant un vrai public, sans nous quitter jamais.

— Mais cela sera, mon petit Mattia ; si mes parents sont riches, ils le seront pour toi comme pour moi, s’ils m’envoient au collège, tu y viendras avec moi ; nous ne nous quitterons pas, nous travaillerons ensemble, nous serons toujours ensemble, nous grandirons, nous vivrons ensemble comme tu le désires et comme je le désire aussi, tout aussi vivement que toi, je t’assure.

— Je sais bien que tu le désires, mais tu ne seras plus ton maître comme tu l’es maintenant.

— Voyons, écoute-moi : si mes parents me cherchent, cela prouve, n’est-ce pas, qu’ils s’intéressent à moi, alors ils m’aiment ou ils m’aimeront ; s’ils m’aiment ils ne me refuseront pas ce que je leur demanderai. Et ce que je leur demanderai ce sera de rendre heureux ceux qui ont été bons pour moi, qui m’ont aimé quand j’étais seul au monde, mère Barberin, le père Acquin qu’on fera sortir de prison, Étiennette, Alexis, Benjamin, Lise et toi ; Lise qu’ils prendront avec eux, qu’on instruira, qu’on guérira, et toi qu’on mettra au collège avec moi, si je dois aller au collège. Voilà comment les choses se passeront, — si mes parents sont riches, et tu sais bien que je serais très-content qu’ils fussent riches.