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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/227

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SANS FAMILLE

qu’à suivre le canal, puisque le mari de tante Catherine, qui était éclusier, demeurait dans une maison bâtie à côté même de l’écluse dont il avait la garde ; cela nous épargna du temps, et nous ne tardâmes pas à trouver cette maison, située à l’extrémité du village, dans une prairie plantée de hauts arbres qui de loin paraissaient flotter dans le brouillard.

Mon cœur battait fort en approchant de cette maison dont la fenêtre était éclairée par la réverbération d’un grand feu qui brûlait dans la cheminée, en jetant de temps en temps des nappes de lumière rouge, qui illuminaient notre chemin.

Lorsque nous fûmes tout près de la maison, je vis que la porte et la fenêtre étaient fermées, mais par cette fenêtre qui n’avait ni volets ni rideaux, j’aperçus Lise à table, à côté de sa tante, tandis qu’un homme, son oncle sans doute, placé devant elle, nous tournait le dos.

— On soupe, dit Mattia, c’est le bon moment.

Mais je l’arrêtai de la main sans parler, tandis que de l’autre je faisais signe à Capi de rester derrière moi silencieux.

Puis dépassant la bretelle de ma harpe, je me préparai à jouer.

— Ah ! oui, dit Mattia à voix basse, une sérénade, c’est une bonne idée.

— Non pas toi, moi tout seul.

Et je jouai les premières notes de ma chanson napolitaine, mais sans chanter, pour que ma voix ne me trahît pas.

En jouant, je regardais Lise : elle leva vivement la