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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/233

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SANS FAMILLE

— Et s’il ne demeure plus rue Mouffetard ?

— Nous irons là où il demeure.

— Et s’il est retourné à Chavanon ; il faudra lui écrire, attendre sa réponse ; pendant ce temps-là, de quoi vivrons-nous, si nous n’avons rien dans nos poches ? On dirait vraiment que tu ne connais point Paris. Tu as donc oublié les carrières de Gentilly ?

— Non.

— Eh bien, moi, je n’ai pas non plus oublié le mur de l’église Saint-Médard, contre lequel je me suis appuyé pour ne pas tomber quand je mourais de faim. Je ne veux pas avoir faim à Paris.

— Nous dînerons mieux en arrivant chez mes parents.

— Ce n’est pas parce que j’ai bien déjeuné que je ne dîne pas ; mais quand je n’ai ni déjeuné ni dîné je ne suis pas à mon aise et je n’aime pas ça ; travaillons donc comme si nous avions une vache à acheter pour tes parents.

C’était là un conseil plein de sagesse ; j’avoue cependant que je ne chantai plus comme lorsqu’il s’agissait de gagner des sous pour la vache de la mère Barberin, ou pour la poupée de Lise.

— Comme tu seras paresseux quand tu seras riche ! disait Mattia.

À partir de Corbeil, nous retrouvâmes la route que nous avions suivie six mois auparavant quand nous avions quitté Paris pour aller à Chavanon, et avant d’arriver à Villejuif, nous entrâmes dans la ferme où nous avions donné le premier concert de notre association en faisant danser une noce. Le marié et la