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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/234

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SANS FAMILLE

mariée nous reconnurent et ils voulurent que nous les fissions danser encore. On nous donna à souper et à coucher.

Ce fut de là que nous partîmes le lendemain matin pour faire notre rentrée dans Paris : il y avait juste six mois et quatorze jours que nous en étions sortis.

Mais la journée du retour ne ressemblait guère à celle du départ : le temps était gris et froid ; plus de soleil au ciel, plus de fleurs, plus de verdure sur les bas-côtés de la route ; le soleil d’été avait accompli son œuvre, puis étaient venus les premiers brouillards de l’automne ; ce n’était plus des fleurs de giroflées qui du haut des murs nous tombaient maintenant sur la tête, c’étaient des feuilles desséchées qui se détachaient des arbres jaunis.

Mais qu’importait la tristesse du temps ! nous avions en nous une joie intérieure qui n’avait pas besoin d’excitation étrangère.

Quand je dis nous, cela n’est pas exact, c’était en moi qu’il y avait de la joie et en moi seul.

Pour Mattia, à mesure que nous approchions de Paris, il était de plus en plus mélancolique, et souvent il marchait durant des heures entières sans m’adresser la parole.

Jamais il ne m’avait dit la cause de cette tristesse, et moi, m’imaginant qu’elle tenait uniquement à ses craintes de séparation, je n’avais pas voulu lui répéter ce que je lui avais expliqué plusieurs fois : c’est-à-dire que mes parents ne pouvaient pas avoir la pensée de nous séparer.

Ce fut seulement quand nous nous arrêtâmes pour