Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
SANS FAMILLE

— Combien nous louerez-vous une chambre pour mon ami et pour moi, demandai-je ?

— Dix sous par jour ; est-ce trop cher ?

— Eh bien, nous reviendrons ce soir, mon ami et moi.

— Rentrez de bonne heure, Paris est mauvais la nuit.

Avant de rentrer il fallait rejoindre Mattia et j’avais encore plusieurs heures devant moi, avant le moment fixé pour notre rendez-vous. Ne sachant que faire, je m’en allai tristement au Jardin des Plantes m’asseoir sur un banc, dans un coin isolé. J’avais les jambes brisées et l’esprit perdu.

Ma chute avait été si brusque, si inattendue, si rude ! J’épuiserais donc tous les malheurs les uns après les autres, et chaque fois que j’étendrais la main pour m’établir solidement dans une bonne position, la branche que j’espérais saisir casserait sous mes doigts pour me laisser tomber ; — et toujours ainsi.

N’était-ce point une fatalité que Barberin fût mort au moment où j’avais besoin de lui, et, que dans un esprit de gain il eût caché à tous le nom et l’adresse de la personne, — mon père sans doute, — qui lui avait donné mission de faire des recherches pour me retrouver.

Comme j’étais à réfléchir ainsi tristement, les yeux gonflés de larmes, dans mon coin, sous l’abri d’un arbre vert qui m’enveloppait de son ombre, un monsieur et une dame suivis d’un enfant qui traînait une petite voiture, vinrent s’asseoir sur un banc, en face