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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/259

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SANS FAMILLE

bateaux qui vous portent à Londres, et cela ne coûte pas cher.

— Tu n’as pas été à Londres ?

— Tu sais bien que non ; seulement nous avions au cirque Gassot deux clowns qui étaient Anglais, ils m’ont souvent parlé de Londres et ils m’ont aussi appris bien des mots anglais pour que nous puissions parler ensemble sans que la mère Gassot, qui était curieuse comme une chouette, entendît ce que nous disions ; lui en avons-nous baragouiné des sottises anglaises en pleine figure sans qu’elle pût se fâcher. Je te conduirai à Londres.

— Moi aussi, j’ai appris l’anglais avec Vitalis.

— Oui, mais depuis trois ans tu as dû l’oublier, tandis que moi je le sais encore : tu verras. Et puis ce n’est pas seulement parce que je pourrais te servir que j’ai envie d’aller avec toi à Londres, et pour être franc, il faut que je te dise que j’ai encore une autre raison.

— Laquelle ?

— Si tes parents venaient te chercher à Paris, ils pourraient très-bien ne pas vouloir m’emmener avec toi, tandis que quand je serai en Angleterre ils ne pourront pas me renvoyer.

Une pareille supposition me paraissait blessante pour mes parents, mais enfin il était possible, à la rigueur, qu’elle fût raisonnable ; n’eût-elle qu’une chance de se réaliser, c’était assez de cette chance unique pour que je dusse accepter l’idée de partir tout de suite pour Londres avec Mattia.

— Partons, lui dis-je.

— Tu veux bien ?