Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
SANS FAMILLE

jeter dans les bras de ma mère nourrice ; si au contraire Barberin était au pays, il demandait à mère Barberin de se rendre à un endroit désigné et là, je l’embrassais.

C’était ce plan que je bâtissais tout en marchant, et cela me rendait silencieux, car ce n’était pas trop de toute mon attention, de toute mon application pour examiner une question d’une telle importance.

En effet, je n’avais pas seulement à voir si je pouvais aller embrasser mère Barberin, mais j’avais encore à chercher si sur notre route nous trouverions des villes ou des villages dans lesquels nous aurions chance de faire des recettes.

Pour cela le mieux était de consulter ma carte.

Justement, nous étions en ce moment en pleine campagne et nous pouvions très-bien faire une halte sur un tas de cailloux, sans craindre d’être dérangés.

— Si vous voulez, dis-je à Mattia, nous allons nous reposer un peu.

— Voulez-vous que nous parlions ?

— Vous avez quelque chose à me dire ?

— Je voudrais vous prier de me dire tu.

— Je veux bien, nous nous dirons tu.

— Vous oui, mais moi non.

— Toi comme moi, je te l’ordonne et si tu ne m’obéis pas, je tape.

— Bon, tape, mais pas sur la tête.

Et il se mit à rire d’un bon rire franc et doux en montrant toutes ses dents, dont la blancheur éclatait au milieu de son visage hâlé.

Nous nous étions assis, et dans mon sac j’avais pris