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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/280

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SANS FAMILLE

Ces mots que j’ai entendu prononcer plusieurs fois déjà signifient : « Cour du Lion-Rouge », m’a dit Mattia.

Pourquoi nous arrêtons-nous ? Il est impossible que nous soyons à Bethnal-Green ; est-ce que c’est dans cette cour que demeurent mes parents ? Mais alors ?…

Je n’ai pas le temps d’examiner ces questions qui passent devant mon esprit inquiet ; le policeman a frappé à la porte d’une sorte de hangar en planches et notre guide le remercie ; nous sommes donc arrivés.

Mattia, qui ne m’a pas lâché la main, me la serre, et je serre la sienne.

Nous nous sommes compris : l’angoisse qui étreint mon cœur étreint le sien aussi.

J’étais tellement troublé que je ne sais trop comment la porte à laquelle le policeman avait frappé nous fut ouverte, mais à partir du moment où nous fûmes entrés dans une vaste pièce qu’éclairaient une lampe et un feu de charbon de terre brûlant dans une grille, mes souvenirs me reviennent.

Devant ce feu, dans un fauteuil en paille qui avait la forme d’une niche de saint, se tenait immobile comme une statue un vieillard à barbe blanche, la tête couverte d’un bonnet noir ; en face l’un de l’autre, mais séparés par une table, étaient assis un homme et une femme ; l’homme avait quarante ans environ, il était vêtu d’un costume de velours gris, sa physionomie était intelligente mais dure ; la femme, plus jeune de cinq ou six ans, avait des cheveux blonds qui pendaient sur un châle à carreaux blancs et noirs