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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/287

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SANS FAMILLE

cuit au four avec des pommes de terre tout autour.

— Avez-vous faim, les garçons ? nous demanda mon père en s’adressant à Mattia et à moi.

Pour toute réponse, Mattia montra ses dents blanches.

— Eh bien, mettons-nous à table, dit mon père.

Mais avant de s’asseoir, il poussa le fauteuil de mon grand-père jusqu’à la table. Puis prenant place lui-même le dos au feu, il commença à couper le roast-beef et il nous en servit à chacun une belle tranche accompagnée de pommes de terre.

Quoique je n’eusse pas été élevé dans des principes de civilité, ou plutôt pour dire vrai, bien que je n’eusse pas été élevé du tout, je remarquai que mes frères et ma sœur aînée mangeaient le plus souvent avec leurs doigts, qu’ils trempaient dans la sauce et qu’ils léchaient sans que mon père ni ma mère parussent s’en apercevoir ; quant à mon grand-père, il n’avait d’attention que pour son assiette, et la seule main dont il pût se servir allait continuellement de cette assiette à sa bouche ; quand il laissait échapper un morceau de ses doigts tremblants mes frères se moquaient de lui.

Le souper achevé, je crus que nous allions passer la soirée devant le feu ; mais mon père me dit qu’il attendait des amis, et que nous devions nous coucher ; puis, prenant une chandelle, il nous conduisit dans une remise qui tenait à la pièce où nous avions mangé : là se trouvaient deux de ces grandes voitures qui servent ordinairement aux marchands ambulants. Il