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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/29

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SANS FAMILLE

les distances sur les cartes ; il m’écouta, mais il ne parut pas convaincu de la sûreté de ma science.

Comme j’avais débouclé mon sac, l’idée me vint de passer l’inspection de ce qu’il contenait, étant bien aise d’ailleurs de montrer mes richesses à Mattia, et j’étalai tout sur l’herbe.

J’avais trois chemises en toile, trois paires de bas, cinq mouchoirs, le tout en très-bon état, et une paire de souliers un peu usés.

Mattia fut ébloui.

— Et toi, qu’as-tu ? lui demandai-je.

— J’ai mon violon, et ce que je porte sur moi.

— Eh bien ! lui dis-je, nous partagerons comme cela se doit puisque nous sommes camarades : tu auras deux chemises, deux paires de bas et trois mouchoirs ; seulement comme il est juste que nous partagions tout, tu porteras mon sac pendant une heure et moi pendant une autre.

Mattia voulut refuser, mais j’avais déjà pris l’habitude du commandement, qui, je dois le dire, me paraissait très-agréable, et je lui défendis de répliquer.

J’avais étalé sur mes chemises la ménagère d’Étiennette, et aussi une petite boîte dans laquelle était placée la rose de Lise ; il voulut ouvrir cette boîte, mais je ne lui permis pas, je la remis dans mon sac sans même l’ouvrir.

— Si tu veux me faire un plaisir, lui dis-je, tu ne toucheras jamais à cette boîte, c’est un cadeau.

— Bien, dit-il, je te promets de n’y toucher jamais.

Depuis que j’avais repris ma peau de mouton et ma