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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/308

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SANS FAMILLE

ment ; car il ne pouvait pas me convenir de me séparer de lui.

— Il apprendra à travailler avec Allen et Ned, sois tranquille, et en vous divisant ainsi vous gagnerez beaucoup plus.

— Mais je vous assure qu’il ne fera rien de bon ; et d’autre part nos recettes à Mattia et à moi seront moins fortes ; nous gagnerions davantage avec Capi.

— Assez causé, me dit mon père, quand j’ai dit une chose, j’entends qu’on la fasse et tout de suite, c’est la règle de la maison, j’entends que tu t’y conformes, comme tout le monde.

Il n’y avait pas à répliquer, et je ne dis rien, mais tout bas je pensai que mes beaux rêves pour Capi se réalisaient aussi tristement que pour moi : nous allions donc être séparés ! quel chagrin pour lui et pour moi !

Nous gagnâmes notre voiture pour nous coucher, mais ce soir-là, mon père ne nous enferma point.

Comme je me couchais, Mattia, qui avait été plus de temps que moi à se déshabiller, s’approcha de mon oreille, et me parlant d’une voix étouffée :

— Tu vois, dit-il, que celui que tu appelles ton père ne tient pas seulement à avoir des enfants qui travaillent pour lui, il lui faut encore des chiens ; cela ne t’ouvre-t-il pas les yeux enfin ? demain nous écrirons à mère Barberin.

Mais le lendemain il fallut faire la leçon à Capi ; je le pris dans mes bras, et doucement, en l’embrassant souvent sur le nez, je lui expliquai ce que j’attendais de lui : pauvre chien, comme il me regardait, comme il m’écoutait.