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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/314

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SANS FAMILLE

Repoussé par Allen et par Ned, repoussé par Annie, il ne m’était resté que la petite Kate, qui avec ses trois ans était trop jeune pour entrer dans l’association de ses frères et de sa sœur ; elle avait donc bien voulu se laisser caresser par moi, d’abord parce que je lui faisais faire des tours par Capi, et plus tard, lorsque Capi me fut rendu, parce que je lui apportais les bonbons, les gâteaux, les oranges que dans nos représentations les enfants nous donnaient d’un air majestueux en nous disant : « Pour le chien ». Donner des oranges au chien, cela n’était peut-être pas très-sensé, mais je les acceptais avec reconnaissance, car elles me permettaient de gagner ainsi les bonnes grâces de miss Kate.

Ainsi de toute ma famille, cette famille pour laquelle je me sentais tant de tendresse dans le cœur lorsque j’étais débarqué en Angleterre, il n’y avait que la petite Kate qui me permettait de l’aimer ; mon grand-père continuait à cracher furieusement de mon côté toutes les fois que je l’approchais ; mon père ne s’occupait de moi que pour me demander chaque soir le compte de notre recette ; ma mère, le plus souvent n’était pas de ce monde ; Allen, Ned et Annie me détestaient, seule Kate se laissait caresser, encore n’était-ce que parce que mes poches étaient pleines.

Quelle chute !

Aussi dans mon chagrin, et bien que tout d’abord j’eusse repoussé les suppositions de Mattia, en venais-je à me dire que si vraiment j’étais l’enfant de cette famille on aurait pour moi d’autres sentiments que ceux qu’on me témoignait avec si peu de ménage-