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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/319

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SANS FAMILLE

Je crus qu’il allait se fâcher et je jetai un coup d’œil inquiet du côté de Mattia, qui nous écoutait sans en avoir l’air, pour le prendre à témoin de la maladresse qu’il m’avait fait risquer ; mais il n’en fut rien ; le premier mouvement de colère passé, il se mit à sourire ; il est vrai qu’il y avait quelque chose de dur et de cruel dans ce sourire, mais enfin c’était bien un sourire.

— Ce qui m’a le mieux servi pour te retrouver, dit-il, ç’a été la description des vêtements que tu portais au moment où tu nous as été volé : un bonnet en dentelle, une brassière en toile garnie de dentelles, une couche et une robe en flanelle, des bas de laine, des chaussons en tricot, une pelisse à capuchon en cachemire blanc brodé : j’avais beaucoup compté sur la marque de ton linge F. D., c’est-à-dire Francis Driscoll qui est ton nom, mais cette marque avait été coupée par celle qui t’avait volé et qui par cette précaution espérait bien empêcher qu’on te découvrît jamais ; j’eus à produire aussi ton acte de baptême que j’avais relevé à ta paroisse, qu’on m’a rendu, et que je dois avoir encore.

Disant cela, et avec une complaisance qui était assez extraordinaire chez lui, il alla fouiller dans un tiroir et bientôt il en rapporta un grand papier marqué de plusieurs cachets qu’il me donna.

Je fis un dernier effort :

— Si vous voulez, dis-je, Mattia va me le traduire.

— Volontiers.

De cette traduction, que Mattia fit tant bien que mal, il résultait que j’étais né un jeudi deux août et